M. Abdelkader Lahmar interroge Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement sur les dispositions légales encadrant le déploiement des coopératives d’habitants.
Les sociétés coopératives d’habitants sont des initiatives portées par des citoyens qui élaborent, financent et administrent collectivement leurs habitations. Elles permettent notamment l’accès au logement à prix coûtant. Si la loi ALUR du 14 mars 2014 a fourni un cadre juridique à ces structures, leur déploiement reste contraint dans les faits, notamment dans les zones dites « tendues » où la densité de population et la spéculation immobilière se concentrent.
D’une part, les coopératives d’habitants sont freinées par l’obligation de justifier d’une garantie financière. En effet, les organismes de caution – banques ou assurances – connaissent mal les risques et refusent de soutenir les porteurs de coopératives. Une première piste envisageable serait de supprimer, pour les coopératives d’habitants et les sociétés d’attribution et d’autopromotion, l’obligation de garantie financière. Une seconde solution est la mise en place, sous forme expérimentale, d’un fonds de garantie porté par l’Etat apte à couvrir le risque que les coopératives prennent en faisant construire de l’habitat.
D’autre part, en zones tendues, la viabilité de ces coopératives passe indispensablement par l’accès à des prêts de longue durée et par une réduction de la TVA ainsi qu’une exonération de la Taxe Foncière pour le bâti. Puisqu’il n’existe pas de prêts adaptés, la plupart des projets de coopératives d’habitants a, dans ces zones tendues, recours aux prêts locatifs sociaux (PLS). Or le contrat coopératif prévu par la loi ne peut pas être appliqué aux usagers des logements construits grâce au PLS. Celui-ci est juridiquement lié au bail « Loi de 1989 », distinct du contrat coopératif. Là aussi la solution est simple : adapter les PLS aux coopératives d’habitants en introduisant la possibilité d’avoir recours à ce prêt dès lors que des contrats coopératifs sont signés entre la coopérative et les usagers futurs.
Enfin, la souscription de parts sociales des coopératives d’habitants peut représenter un coût significatif pour les familles à bas revenus, de plus en plus nombreuses en France. L’article L201-13 du CCH prévoit que ces parts puissent être souscrites grâce à un apport travail fourni par les futurs usagers. Pourtant, dix ans après la promulgation de la loi ALUR, le décret d’application définissant les modalités de l’apport travail n’est toujours pas paru. Dans une réponse publiée en 2019 à la question écrite n°15034, le Ministère de la ville et du logement soulignait que l’article L201-13 ne prévoyait pas de dispositif pour protéger les associés des risques de dommages causés aux biens ou personnes lors de l’apport travail. Il ajoutait que le Gouvernement estimait nécessaire qu’une prochaine loi relative au logement vienne modifier les dispositions législatives en cause. Cinq années après, les porteurs de coopératives d’habitants restent confrontés à l’absence de dispositions leur permettant de concrétiser l’apport travail.
Les coopératives d’habitants peuvent être de véritables outils de lutte contre la spéculation immobilière et la ségrégation socio-spatiale. Pour l’essentiel, il ne manque que la publication de certains décrets d’application et quelques modifications législatives à portée du Gouvernement. Aussi, quand est-ce que Mme. la ministre prendra les dispositions nécessaires à ce que les coopératives d’habitants puissent se déployer pleinement dans le sillage de la loi ALUR ?